Central Bank Digital Currency, ou monnaie digitale des Banques Centrales
Qu’est-ce qu’une CBDC ? 🤔
C’est une monnaie digitale émise et régulée directement par une banque centrale. Une CBDC partage les mêmes fonctionnalités qu’une monnaie fiduciaire classique : c’est un moyen de paiement légal, une réserve de valeur et une unité de compte (à la différence du Bitcoin qui est critiqué à cause de sa trop forte volatilité). Après l’acceptation des crypto-monnaies comme moyen de paiement par un certain nombre de commerces à travers le monde durant les précédentes années et l’adoption du Bitcoin comme devise légale au Salvador plus récemment, l’actuel développement des CBDC par plusieurs banques centrales représente la prochaine étape dans la pénétration des crypto-monnaies au niveau économique à travers le monde. La quasi-totalité des projets de CBDC sont actuellement en cours de réflexion et les informations ci-dessous peuvent donc être amenées à évoluer.
Développement 🔜
Le premier pays à avoir officiellement émis leur monnaie digitale sont les Bahamas avec le Sand Dollar en octobre 2020. Quatre autres îles des Caraïbes l’ont suivi. La Chine est en train de réaliser un test du yuan digital en conditions réelles auprès d’entreprises et de particuliers dans plusieurs grandes provinces avec montant total de transactions s’élevant pour l’instant à plus de $5 Mds. En juillet 2021, la BCE a annoncé débuter une phase d’investigation de 2 ans sur la création de l’euro digital. Durant cette phase, celle-ci va notamment étudier l’impact de son utilisation sur la conduite de la politique monétaire et sur la stabilité financière. Enfin, le président de la Réserve Fédérale américaine (Fed), Jerome Powell, avait déclaré en début d’année que le dollar digital était une grande priorité et que la Fed devrait publier un rapport en septembre prochain sur ce projet. Aujourd’hui, 83 pays représentant plus de 90% du PIB mondial sont en cours de réflexion sur un projet de CBDC. Voici une carte représentant le niveau d’avancement des différents pays à travers le monde :

Vous pouvez retrouver cette carte interactive et en apprendre plus sur le niveau d’avancement de chaque pays dans le lancement de sa CBDC en suivant ce lien : https://www.atlanticcouncil.org/cbdctracker/
Qu’est-ce que cela change ? 🔬
Avec l’avènement des crypto-monnaies et des nouveaux services financiers qui y sont liés, dont les services décentralisés, les banques centrales ont eu peur de voir leur suprématie sur le contrôle de la monnaie leur échapper. Au lieu d’interdire purement et simplement les crypto-monnaies, certains États préfèrent développer la leur afin de concurrencer celles déjà existantes et de disposer de nouveaux outils de conduite de la politique monétaire et de contrôle de la monnaie. Les différences avec les monnaies traditionnelles telles que l’euro ou le dollar résident dans le fait que les CBDC sont exclusivement sous forme numérique et sont stockées sur un compte que l’utilisateur a directement auprès de la banque centrale ou sur un portefeuille numérique approuvé par celle-ci. L’utilisateur peut ensuite payer chez les commerçants avec son téléphone. Les banques commerciales pourraient avoir un rôle plus restreint auprès de la clientèle particulière dans ce nouveau schéma. Du côté des utilisateurs : Dans le monde, près de 40% des adultes ne disposeraient pas de compte bancaire alors que deux tiers d’entre eux seraient en possession d’un téléphone. Le recours aux CBDC permettrait tout d’abord d’inclure une partie de la population non bancarisée, surtout dans les pays émergents. De plus, la vitesse des transactions serait réduite et les frais négligeables contrairement au schéma actuel classique qui compte beaucoup plus d’intermédiaires que lorsque l’on paye par carte ou par virement. Enfin, la sécurité des dépôts serait maximale car la banque centrale se porterait garante en cas de cyberattaque ou de crise financière. Du côté des banques centrales : Dans un premier temps au moins, les monnaies digitales et les monnaies fiduciaires coexisteront. Cependant, leur utilisation permettrait de numériser plus profondément l’économie et d’imaginer à terme le retrait du cash qui est source de nombreux problèmes aujourd’hui : sécurité, évasion fiscale, blanchiment d’argent ou reproduction de faux billets par exemple. Cela peut s’avérer également très pratique au quotidien dans les pays ayant perdu leur souveraineté monétaire à cause de l’hyperinflation comme le Venezuela, où le moindre achat en monnaie locale nécessite maintenant des liasses de billets. De plus, la traçabilité d’une monnaie digitale, possible grâce à la blockchain, permettrait aux banques centrales de recueillir des données beaucoup plus précises sur l’état des différents secteurs de l’économie et sur les flux d’argent et d’ainsi pouvoir agir en conséquence. Enfin, cela leur offrirait de nouvelles possibilités en termes de politique monétaire. Par exemple : pour relancer l’économie en cas de crise les banques centrales pourraient plus facilement mettre en place « l’helicopter money », c’est-à-dire la possibilité de créditer directement les portefeuilles numériques des citoyens pour les inciter à consommer. Les chèques fiscaux envoyés à la majorité des foyers américains durant le covid reposent sur ce principe mais leur distribution aurait pu être grandement facilité et être beaucoup moins coûteuse si le dollar digital était en place. La Chine va plus loin en étudiant la possibilité de mener ce genre d’actions avec son yuan digital mais en y ajoutant des paramètres tels qu’une date de validité ou des types de dépenses bien précis. En effet, contrairement à une monnaie fiduciaire, une monnaie digitale est « programmable » ce qui laisse potentiellement beaucoup plus de flexibilité aux banques centrales. Attention cependant car les implications en termes de politique monétaire sont encore vagues et complexes. La BCE a par exemple énoncé la possibilité d’un montant maximal de dépôt en euro digital de 3000€ par citoyen afin de prévenir le risque d’une trop grande « débancarisation », ce qui entraînerait des difficultés pour les banques commerciales à financer l’économie et les mettrait en danger en cas de « bank run », ou panique bancaire, à la suite d’une crise.
Conclusion 🚨
Les CBDC ne présentent pas d’opportunités d’investissement en tant que telles. Cependant, leur développement et la numérisation de l’économie devraient être propices à l’écosystème des crypto-monnaies, et on peut imaginer que de nombreux projets et acteurs aux services des commerces et des utilisateurs naîtront durant les prochaines années suite à cette révolution. Si vous souhaitez creuser ce sujet un peu plus loin, vous pouvez trouver ici le rapport exploratoire délivré par la BCE en octobre 2020 sur l’euro digital : https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/Report_on_a_digital_euro~4d7268b458.en.pdf Vous pouvez également retrouver la première édition d’un reporting PwC paru en avril 2021 qui passe en revue les projets CBDC de différents pays : https://contenu.pwc.fr/download/2021/PwC_Global_CBDC_Index_2021.pdf
Julien Lefevre, membre Aircrypto